Législatives : Défaite de la Gambie au Luxembourg !

, par Alexis Vannier

Législatives : Défaite de la Gambie au Luxembourg !
Chambre des députés Site du parlement luxembourgeois

Nichées entre des scrutins législatifs cruciaux en Slovaquie et en Pologne, ces élections luxembourgeoises paraissent un peu moins bouleversantes. En effet, les habitants du Grand-Duché étaient appelés ce 8 octobre à renouveler les 60 membres de la D’Chamber, la Chambre des députés, et, indirectement, se prononcer sur la coalition dite “gambienne” (d’après les couleurs des partis coalisés, reflétant le drapeau gambien) dirigée par Xavier Bettel depuis maintenant dix ans.

Petit virage à droite au Grand-Duché

À l’issue d’une campagne sage et sans grande surprise, les électeurs ont penché à droite. En effet, la victoire proportionnelle des conservateurs du Parti populaire chrétien-social (CSV), une place qu’ils trustent depuis 1979, leur émiettement s’est d’ailleurs stabilisé, enregistrant une légère hausse (+0,9%) des voix par rapport à 2018 et toujours les 21 qu’ils détenaient. Les partis coalisés complètent le podium avec en seconde place les sociaux-démocrates du Parti ouvrier socialiste du Luxembourg (LSAP) qui engrangent 18,91% des bulletins (en hausse de 1,3%) et 11 strapontins assurés. Le Parti démocrate (DP) du Premier ministre sortant talonne les socialistes (18,7% de soutien et 14 représentants élus) alors que les Verts (DG) dévissent complètement : ils perdent presque la moitié des électeurs par rapport à 2018 (soit 8,5% des voix) ce qui se traduit par 5 sièges en moins, soit 4 au total. Ces résultats empêchent ainsi la coalition de poursuivre ses ambitions gouvernementales.

La surprise vient du côté du Parti réformiste d’alternative démocratique (ADR), en très légère hausse, qui double les Verts (9,27% des voix) et obtient 5 sièges.

Les Pirates, qui avaient fait leur entrée au parlement en 2018, augmentent également très légèrement leur score : 6,74% des électeurs leur ont fait confiance cette année, envoyant 3 élus à la chambre.

Fokus, parti créé cette année n’a pas réussi à faire son entrée au parlement, tout comme la gauche radicale, les communistes et les fédéralistes de Volt.

La campagne s’est principalement déroulée autour des thématiques économiques, en tête des priorités des électeurs, notamment du point de vue du logement. Préoccupations auxquelles souhaitent répondre les Verts en proposant la construction de 500 logements abordables et d’encourager le recours aux énergies renouvelables. Le logement, tout comme le pouvoir d’achat et la flexibilité du temps de travail constituaient quant à eux les thèmes majeurs de la campagnes des Démocrates, alors que leurs partenaires socialistes veulent investir dans l’industrie, les services, l’économie de l’espace ou encore réformer l’impôt foncier. Quand le CSV se languit d’être écarté du pouvoir et ne fait que critiquer les Verts et les socialistes pour mieux se rapprocher idéologiquement du DP, les Pirates se sentent bien dans l’opposition et comptent sur une hausse de leur présence au parlement pour faire plus et mieux. Enfin, la gauche radicale met l’accent sur des réformes structurelles comme une hausse des salaires et l’interdiction du cumul des mandats.

En 2018, les grands partis (CSV, DP et LSA) s’étaient vus sanctionnés au profit des plus petits et notamment des Verts (+5%) et des Pirates (+3,2%). La coalition “gambienne” avait alors tout juste atteint la majorité absolue (31 sièges, contre 32 auparavant), menée une nouvelle fois par Xavier Bettel, alors l’un des premiers Chefs de gouvernement homosexuel au monde.

La coalition s’est alors illustrée pour faire du Luxembourg le premier pays au monde à rendre gratuits ses transports en commun, sans pour autant réduire drastiquement le recours au véhicule personnel. Par ailleurs, l’interdiction du glyphosate décidée par le gouvernement a été retoquée par un tribunal interne. Alors même que ce scrutin a étrenné la réforme constitutionnelle qui a permis le renforcement du rôle du Parlement ou encore l’instauration d’un pouvoir d’initiative législative citoyenne, le gouvernement Bettel a été critiqué sur plusieurs fronts. Le Grand-Duché a ainsi dépensé 96 millions € pour soutenir l’Ukraine (comprenant surtout des dépenses militaires), soit 0.1% de son produit intérieur brut (PIB). À titre de comparaison, l’Estonie a consacré plus d’1,2% de son PIB. De plus, le pays reste fameux dans le monde merveilleux du paradis fiscal. Le Luxembourg a d’ailleurs été condamné par la Cour européenne des Droits de l’Homme pour avoir sanctionné le “lanceur d’alertes” Raphaël Halet, l’une des nombreuses sources des LuxLeak. Si le gouvernement a promis des réformes fiscales d’ampleur pour dissiper les zones d’ombres du fisc luxembourgeois, l’ONG Tax Justice Network classe le pays au 6ème rang mondial des paradis fiscaux, juste derrière les Pays-Bas. Le Groupe d’action financière, organisation intergouvernementale de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est d’ailleurs en train de réaliser un audit sur la politique fiscale du pays.

La défaite de la coalition « gambienne », plombée par la déroute des Verts va empêcher la reconduction de Xavier Bettel à son poste, laissant le champ libre au retour des Conservateurs au pouvoir. Des négociations devront avoir lieu pour former une nouvelle majorité. Attention néanmoins à ne pas oublier trop vite la cheffe de file des socialistes, Paulette Lenert, dont la popularité ne cesse de croître dans le Grand-Duché.

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