Nicole Fontaine, mère fondatrice de l’UE

, par Jeanne Antoine, Le Courrier d’Europe

Nicole Fontaine, mère fondatrice de l'UE

On connaît bien les pères fondateurs de l’Europe. D’illustres noms, comme Robert Schuman, Alcide de Gasperi ou Konrad Adenauer, portés par les hommes qui ont fait l’UE. Mais qu’en est-il des mères ? On dit que derrière chaque grand homme il y a une femme. La disparition de nos mères européennes derrière chaque brique de la construction de l’Europe doit cesser. Cet article rend donc hommage à Nicole Fontaine, professeur, avocate et femme politique.

Qui était Nicole Fontaine ?

Elle est née en 1942 à Paris et nous a quitté en 2018 à l’âge de 76 ans. Ses études de droit la mènent au diplôme de l’Institut d’Etudes politiques de Paris délivré en 1964 par Sciences Po Paris. Elle décroche ensuite un doctorat d’Etat en droit public en 1969 pour une thèse sur l’application de la loi Debré, qui institue le régime de contrats entre l’Etat et les établissements privés d’enseignement. Elle devient par la suite avocate, inscrite au barreau des Hauts-de-Seine. Son parcours en études supérieurs particulièrement brillant la destine naturellement à une carrière riche et vaste.

Les vies de Mme Fontaine

Nicole Fontaine a occupé de nombreuses fonctions et l’évolution de sa carrière est remarquable. Pendant près de vingt ans, elle a été responsable nationale du poste alors très sensible des relations entre l’enseignement privé et les pouvoirs publics. Elle travaillait au Secrétariat général de l’Enseignement catholique, d’abord comme conseillère juridique, puis comme secrétaire générale adjointe, et enfin comme déléguée générale. Elle est à l’origine des évolutions législatives et réglementaires qui ont façonné le cadre juridique de relations équilibrées entre l’Etat et les établissements privés sous contrat. Parallèlement, elle est membre permanent du Conseil supérieur de l’Education nationale, puis siège au Conseil économique et social.

Mère fondatrice de l’Europe

Sa présence dans de nombreux domaines, aussi bien juridiques que politiques, la propulse presque naturellement en 1984 au rang de députée européenne. Elle centre son action parlementaire sur un secteur alors sous-estimé : l’Europe des citoyens. Elle s’investit donc dans des projets pour la jeunesse, la vie associative, la reconnaissance mutuelle des diplômes, la mobilité professionnelle et la liberté d’établissement à travers la Communauté européenne. Elle est réélue en 1989 députée européenne sur la liste conduite par Simone Veil. Elle est également élue vice-présidente du Parlement européen. Elle devient donc membre du Bureau du Parlement et représente l’Assemblée au sein de la Délégation mixte Parlement européen-Parlements nationaux.

Présidente

En 1999, Nicole Fontaine est élue présidente du Parlement européen face à Mário Soares. Il s’agit de la deuxième femme à occuper ce rôle, après Simone Veil. Pendant son mandat, elle défend toujours avec ferveur l’égalité entre les hommes et les femmes au sein de l’Union européenne. De même, elle s’occupe de l’égalité entre les hommes et les femmes, sujet sensible au moment de la construction de l’Union : peu de femmes occupaient les postes à hautes responsabilités. Mme Fontaine l’explique ainsi « Les femmes n’ont pas le droit à l’erreur, je crois que nous sommes condamnées à la qualité, parce que si nous devenions tout à coup médiocre (…) nous serions bien plus vite chassée que les hommes ».

Les invités du Parlement

Pendant son mandat, elle a reçu des invités notoires, comme le commandant Massoud, Vice-président de l’Afghanistan, qu’elle a accueilli en session plénière en 2001. A l’époque déjà, le vice dirigeant de l’Afghanistan était suspecté d’atteintes graves et répétées contre les droits fondamentaux et la dignité de la personne humaine. Les femmes étaient vues comme les cibles principales d’un régime autoritaire. Mme Fontaine avait considéré que « Les femmes afghanes, qui sont interdites de travail à l’extérieur et soumises à des violences physiques et morales d’un autre âge, et plus particulièrement les jeunes filles qui sont exclues du système d’éducation, sont les principales victimes d’un fanatisme qui s’abrite, en la trahissant, derrière la religion musulmane. » Elle avait également reçu le Dalaï-lama en séance plénière le 24 octobre 2001 afin de débattre des problèmes urgents relatifs aux droits de l’homme. « C’est avec honneur, avec émotion, et dans un esprit de fraternité universelle, que le Parlement européen vous accueille pour la première fois dans cet hémicycle de la démocratie européenne, en séance solennelle. [...] La force de votre résistance, vous la tirez de votre spiritualité, d’un profond respect de l’être humain et de la vie, et de la foi en l’unicité de la communauté humaine du monde. De manière éclatante, vous avez démontré, comme le Mahatma Gandhi, comme Nelson Mandela, comme Andrei Sakharov, que l’expression pacifique d’une noble cause permet de la faire entendre, respecter et parfois triompher. »

Sans la peine de mort, est-ce la peine de vivre ?

En décembre 2000, Nicole Fontaine signe la charte des droits fondamentaux au nom du Parlement européen, premier pas vers une harmonisation des normes nationales et européennes dans ce domaine. C’est ainsi qu’un an plus tard, elle cherche à établir un colloque pour l’abolition de la peine de mort en Europe. Le 22 juin 2001, le Parlement européen a lancé un appel à tous les Etats pour instaurer « sans délai et partout dans le monde un moratoire des exécutions des condamnés à mort et à prendre des initiatives pour abolir la peine de mort dans leur législature interne ». Mme Fontaine faisait partie des premiers signataires, avec Lord Russell-Johnston, président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et Raymond Forni, président de l’Assemblée nationale française.

Fin de vie politique

Elle obtient en 2010 la chaire Jean Monnet, et devient par la suite adjunct professor à l’ESCP Europe, qui lui décerne en 2017 le titre de doctor honoris causa. En 2009 elle est faite Commandeur de l’ordre national du Mérite, et en 2014 elle est décorée de la Légion d’honneur. A la suite des résultats du référendum de 2016 qui officialise le Brexit, elle est sollicitée pour participer à plusieurs débats. C’est là qu’elle exprime son inquiétude, estimant que la cause du Brexit réside dans une « Europe malade de son déficit démocratique ».

Mme Fontaine a eu une carrière politique riche au sein de l’UE. Elle a été députée européenne pendant près de 25 ans, a présidé le Parlement européen. Son parcours politique a largement contribué à changer le visage de la Communauté européenne, puis de l’Union. Elle s’est battue pour une Union plus démocratique et plus politique pour sa génération et pour celles à venir. « L’une des lignes de force qui composent cette nouvelle conscience collective européenne est celle d’une vision éthique de l’Union. Aujourd’hui, l’Europe a un besoin vital de ne plus être seulement une Europe économique. »

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