Il s’agit d’une déclaration qui s’inscrit dans un débat dont doivent s’emparer les citoyens européens ; d’une déclaration qui s’inscrit dans la lignée de l’action de M. Van Rompuy depuis qu’il est en poste ; d’une déclaration dont le ton pessimiste, défaitiste et inter-gouvernementaliste n’est pas en accord avec ce que nous sommes en droit d’espérer pour l’Europe. [1]
L’enjeu : la nature démocratique de l’UE et la responsabilité des Etats membres
Le débat est important. Il s’agit en fait ni plus ni moins que de donner la parole aux citoyens européens. Les groupes parlementaires européens cherchent en effet, lors de l’élection qui arrive, à utiliser la formulation des traités pour que leurs têtes de listes soient de facto candidats à la présidence de la prochaine Commission. Un système à l’anglaise, pourrait-on dire, qui apporterait de la visibilité aux politiques européennes et faciliterait la répartition des responsabilités dans l’UE.
Pourtant les chefs d’Etats, qui ont in fine la main sur la liste de noms des candidats, pourraient décider de ne pas tenir compte de cette initiative des parlementaires, et d’aller chercher leurs nominés ailleurs. La parole des citoyens seraient alors bafouée, l’image de l’Europe s’il est possible encore plus écornée et la commission encore un peu plus effacée. La question qui se pose est donc, la voix des citoyens et de leurs représentants sera-t-elle entendue ? Rien n’est acquis, et la déclaration de M. Van Rompuy montre bien que cette révolution institutionnelle pour une Europe plus démocratique doit être défendue par ses citoyens lors de ces élections. Demandons des comptes à nos gouvernements.
Sur le fond : une opportunité pour l’Europe qui mérite que l’on s’y attarde
Maintenant, venant de M. Van Rompuy, cette déclaration n’est pas vraiment étonnante. En tant que président semi-permanent (car avec un mandat de deux ans et demi) du Conseil européen M. Van Rompuy est forcément en concurrence avec le président de la Commission. Il n’est donc pas illogique pour lui de dénoncer des initiatives qui permettrait à l’une des fonctions de se dégager de l’autre en terme de légitimité et de visibilité.
Mais ce que M. Van Rompuy aurait pu ajouter, lorsqu’il s’inquiète de la question des compétences et donc de ce que la Commission peut faire en comparaison de ce qu’elle promet, c’est ce qu’il disait lui-même en prenant ses fonctions en 2009 : « Donner corps à de nouvelles fonctions, mettre en place de nouvelles habitudes, interpréter certaines zones grises… (…) Aucun traité ; aussi précis soit-il, ne peut régler à l’avance tous les détails ; c’est la pratique qui y donne un contenu concret. » [2]
Un président de la Commission élu sur la base de ce nouveau système pourrait utiliser sa légitimité pour accroitre sa fonction, de la même manière que M. Van Rompuy a défini la sienne en refusant par exemple d’être responsable devant le Parlement européen dans une lettre envoyée à Jerzy Buzek le 2 février 2011.
Sur le ton : les européens ont le droit d’espérer
Enfin, le ton de M. Van Rompuy est défaitiste et pessimiste. Lorsqu’il conclue que les citoyens seront forcément déçus, il prépare lui-même le terrain pour une telle issue. Cela est d’autant plus dommage que les autres intervenants de la conférence où cette déclaration a été faite avaient semble-t-il adopté un ton plus constructif, voire visionnaire, sur le futur de l’UE. [3]
M. Van Rompuy quitte ses fonctions à la fin du mois de décembre 2014, au terme de deux mandats. Il a fait beaucoup en termes de construction de consensus et d’organisation des relations entre les Etats membres et les institutions (moins en termes de représentation à l’étranger). En lisant cette intervention, on se dit que peut-être, en effet, il est temps qu’il passe la main.
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