Carton rouge à Nicolas Sarkozy : la girouette dont l’euro se serait bien passé

, par Waël Salem

Carton rouge à Nicolas Sarkozy : la girouette dont l'euro se serait bien passé

Aussi surprenant que cela puisse paraître à certains, notre bien-aimé Président participe lui aussi, à sa manière, à la disgrâce de l’euro.

L’« ennemi intérieur »

L’euro. Voici à n’en pas douter l’un des symboles triomphants de l’intégration européenne : une monnaie unique liant aujourd’hui 17 pays. Jusqu’à encore très récemment, il s’agissait d’une utopie.

C’est d’ailleurs peut-être en réponse à cette victoire aujourd’hui moins certaine que notre jeune monnaie est aussi devenue un symbole pour les ennemis de l’Union européenne. Ainsi brandissent-ils fièrement une vision plus ou moins fantasmée (souvent plus) de la monnaie unique cristallisant toutes les aberrations dont ces sauveurs autoproclamés entendent bien nous sauver nous autres, pauvres citoyens livrés en pâture aux technocrates de Bruxelles.

Mais en marge des ennemis déclarés de l’Euro et de l’Union, existent des acteurs que d’aucuns qualifieraient d’« europhiles » mais dont la mollesse, les jeux politiques ou même les contradictions participent plus insidieusement et certainement plus efficacement à discréditer l’Euro et l’Union européenne aux yeux des Européens.

Nicolas Sarkozy est de ceux-là

L’homme qui voulait être le pompier de son propre incendie

Car si aujourd’hui le Président de la République française ne se gêne pas pour critiquer la politique fiscale et économique de l’Irlande qui est en partie responsable de la situation aujourd’hui délicate de l’Euro – comme lors de ses derniers voeux au monde économique à Blagnac – il n’en a pas toujours été ainsi, loin de là !

Ainsi, de quelle légitimité celui-ci peut-il se prévaloir pour se présenter devant nous, comme le 13 janvier dernier, et nous expliquer sans honte aucune que les Irlandais doivent réviser leur impôt sur les sociétés s’ils veulent pouvoir bénéficier encore de l’aide européenne, alors qu’il n’y a encore pas si longtemps – en novembre dernier à dire vrai – M. Sarkozy affirmait tout le contraire en déclarant : « dans les conditions d’activation (de l’aide financière européenne), il n’y a pas de demande fiscale ».

Certes, le Président français précisait ensuite qu’il n’imaginait pas l’Irlande se priver d’un tel levier, mais subsistait la volonté de ne pas dicter à l’Irlande sa conduite. Volonté qui, en passant, poussa notre Président et bien d’autres responsables politiques à fermer les yeux sur la politique économique et fiscale de l’Irlande dont on pourrait sans trop de risques estimer qu’elle a eu son rôle à jouer dans la débâcle actuelle.

Si l’on peut comprendre que les déclarations de novembre dernier s’inscrivaient dans le cadre feutré des tractations visant à sauver l’Irlande du naufrage, et si l’idée d’un réajustement à la hausse de la fiscalité irlandaise mérite en effet un véritable débat de fond, l’explication la plus probable à ce brusque volte-face de janvier n’est autre qu’un coup de gueule aux remugles populistes destiné à faire de l’Irlande un bouc-émissaire aux yeux de l’opinion publique française.

Il est tellement plus pratique de dénoncer ses petits voisins quand on a soi-même fait des bêtises.

Citons le sabotage que le Président français a entrepris – avec la complicité de la Chancelière allemande – sur le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC). Souvenez-vous : en octobre 2010, M. Sarkozy et Mme Merkel – qui est la grande perdante de ce projet – sortaient de sa léthargie le « moteur franco-allemand » fort mal en point.

Ainsi amorçaient-ils une réforme du PSC qui, n’y allons par quatre chemins, a pour effet d’en limiter considérablement la portée en soumettant les sanctions qu’il prévoit à l’appréciation des pouvoirs politiques étatiques. Laissant donc la porte grande ouverte aux marchandages entre Etats. Chose qui, en plus de faire vaciller la stabilité de l’euro, ne va guère dans le sens d’une Europe fédérale.

Si le PSC a toujours soulevé des critiques, parfois très justifiées, à l’heure où la monnaie unique connaît la pire crise de sa courte existence, il est assez difficile de concevoir comment le fait de vider ce pacte de stabilité de sa substance va permettre de protéger notre monnaie. Et il est encore plus étonnant de constater que le principal artisan de cette vaste farce se pose comme l’un des remparts protégeant l’Euro de ses détracteurs.

Un opportunisme... fort peu opportun

Que M. Sarkozy ait pu être dans l’erreur n’a rien d’infamant : aux dernières nouvelles, il est un homme comme les autres et en cela il est faillible. Néanmoins, ce n’est pas exactement de cela dont il s’agit en l’espèce, mais plutôt d’un chef d’Etat qui renverse son discours au gré de la conjoncture, ou qui « dit pas c’qu’il fait, et fait pas c’qu’il dit », pour le paraphraser. Ainsi tente-t-il par la même de s’octroyer le « beau rôle » et sans jamais daigner se remettre en question.

En plus de mettre en exergue l’absence totale de vision économique et monétaire à long voire et moyen terme du personnage, ces postures purement opportunistes du Président français versent largement dans la malhonnêteté intellectuelle.

Or, comment pourrions-nous, nous les défenseurs de l’Union et de sa monnaie, faire entendre notre voix et avoir quelque crédit auprès de nos concitoyens alors que certains, parmi les plus hautes sphères de l’Union, ne se privent pas de dire tout et son contraire pour servir leurs desseins politiciens, dévoyant ainsi ce que nous défendons.

La conduite de M. Sarkozy dans cette affaire est inadmissible car dangereuse : en retournant ainsi sa veste, il alimente le discours bien connu du « tous pourris », discours qui n’a clairement pas besoin d’aide pour prospérer, a fortiori par les temps qui courent.

Nous n’exigeons pas de M. Sarkozy un repentir en place publique assorti d’une séance d’auto-flagellation, seulement qu’il reconnaisse ses erreurs et, soyons fous, qu’il présente des excuses.

Crédits : gunthert, certains droits réservés

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