Galileo : un projet en suspens ?

, par Capucine Del Medico

Galileo : un projet en suspens ?

Galileo devait au départ être représentatif de la volonté de l’Union européenne d’être plus compétitive dans les secteurs de pointe, et plus indépendante vis-à-vis des Etats-Unis. Né en 1999, ce projet est une initiative conjointe de l’Agence spatiale européenne et de la Commission européenne. Néanmoins, il tarde à voir le jour.

Bien que deux prototypes GIOVE-A et GIOVE-B ont été déjà testés avec réussite, les satellites opérationnels, qui doivent être au minimum 14 pour faire fonctionner le système de positionnement par satellite, n’existent toujours pas.

Une Europe absente

Il faudrait, selon les dernières estimations, encore 1,9 milliard d’euros. Les Etats membres avaient déjà eu d’énormes difficultés à parvenir à un consensus sur le budget à allouer à ce projet européen. Galileo devait être prêt pour 2011, sa date de sortie est désormais repoussée à 2014.

Toutefois, avec la tournure des évènements, beaucoup de doutes persistent quant à l’aboutissement du projet. Il semble que Galileo reflète le problème d’unité et de cohésion de l’Union européenne.

Se pose alors la question suivante : les membres de l’Union européenne parviendront-ils à dépasser leurs différends et ainsi se donner la chance de devenir une grande puissance, une et indivisible sur la scène internationale ?

Des restrictions budgétaires handicapantes

Pour l’instant, en raison de la crise, l’Union européenne suit un régime d’austérité. Cela se ressent au niveau budgétaire. En effet, le budget 2011 approuvé par le Conseil ne représente que 1,02 % du produit national brut de l’Union européenne. Cette réduction des dépenses est flagrante dans le 7ème programme-cadre pour la recherche et le développement, un programme qui est l’instrument financier majeur de l’Union européenne pour la recherche au niveau européen.

Ce programme qui couvre la période 2007-2013 ne cible que les investissements stratégiques et sécuritaires tels que la promotion du développement durable et la reprise économique. Un programme bien éloigné des ambitions de la stratégie de Lisbonne qui, en 2000, voulait faire de l’Europe « le premier espace d’innovation dans le monde d’ici 2010 ».

Un projet communautaire pour une Europe compétitive

Il faut comprendre l’atout que représenterait Galileo. Il devrait être bien plus performant que tous les systèmes de navigation par satellite préexistants. Le principal concurrent étant bien évidemment son rival américain : GPS. Galileo devrait se démarquer par son interopérabilité avec le GPS et GLONASS (le système russe) mais surtout par sa plus grande précision.

En effet, ses satellites seront positionnés en orbite à une plus grande inclination au niveau de l’équateur que les satellites GPS, d’où une plus grande couverture satellite au niveau des grandes latitudes comme au-delà de l’Europe du nord, une zone mal couverte par le GPS. Le projet Galileo prévoit en tout 30 satellites en orbite, ce qui signifie que n’importe qui dans le monde devrait à tout moment être à portée d’au moins quatre satellites et par conséquent pouvoir déterminer sa position avec exactitude.

Après les premiers prototypes lancés respectivement en 2005 et en 2008, les quatre premiers satellites opérationnels devraient être mis en orbite courant 2011. Cette première étape cruciale passée, le concept Galileo sera définitivement validé et l’on pourra alors mettre en orbite les quatorze autres satellites nécessaires au fonctionnement du système.

Galileo est donc un système ambitieux et de qualité, entièrement consacré à un usage civil. En outre, celui-ci devrait être doté d’une fonction Search and Rescue (Localisation et Sauvetage) qui informera en temps réel l’utilisateur sur l’avancement d’une opération de sauvetage dont il bénéficierait.

Ce projet ne saurait donc être abandonné faute de financements. C’est en misant sur une compétitivité par le haut, « high road », c’est-à-dire par la qualité, que l’Europe montrera tout son potentiel.

Le Parlement, nouvel acteur du budget européen

Il faut en conséquence en revenir aux décideurs du budget : le Conseil et le Parlement européen, qui depuis le traité de Lisbonne ont un pouvoir égal quant à la détermination du budget. Un changement conséquent par rapport à la situation antérieure où le Parlement n’avait le dernier mot que sur les dépenses non obligatoires.

Les nouvelles dispositions du traité de Lisbonne renforcent les pouvoirs du Parlement. Il peut maintenant bloquer l’adoption du budget mais aussi surmonter l’opposition du Conseil à la majorité de ses membres et aux trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Toutefois, le Conseil reste le seul décideur concernant les recettes, les ressources de l’Union européenne qu’il vote à l’unanimité après consultation du Parlement. Cela signifie que le Parlement n’a pas intérêt à voter des dépenses trop importantes qui ne pourraient être financées pour manque de ressources. Par contre, le Parlement peut jouer une carte non négligeable : celle de l’affectation des crédits.

Des crédits que réduit le Conseil en réponse à la crise. Ainsi, les crédits de paiement prévus par la Commission enregistrent une perte de 545,97 millions d’euros dans le secteur de la recherche. Avec des pouvoirs étendus, le Parlement peut impulser une nouvelle politique budgétaire de plus long terme qui serait à la hauteur des ambitions de l’Union européenne.

Or, la résolution du 25 mars 2010 montre la volonté du Parlement d’accorder aux programmes européens de recherche et de développement les priorités budgétaires. Le Parlement semble donc vouloir encourager les projets d’avenir parmi lesquels Galileo. Le futur de Galileo dépend ainsi du Parlement qui doit se faire l’instrument de l’innovation en permettant des investissements importants tout en rassemblant les Etats membres autour de projets communs.

Des projets qui apporteront sans aucun doute avec leur succès maintes retombées économiques, et une place de poids dans le secteur clé de la recherche. Mais pour cela, il faut parvenir à une réelle entente, coopération à l’échelle européenne en faisant comprendre aux Etats membres l’intérêt d’engager de tels fonds : permettre une croissance durable dans les secteurs d’avenir. L’austérité n’est qu’une solution temporaire.

Plus qu’une prouesse technique : un symbole

Pour que Galileo soit un jour le « must » en matière de système de navigation par satellite, il faut dépasser les craintes engendrées par la crise et ainsi que l’Union européenne se donne tous les moyens pour être compétitive, soit aspirer à se transformer en un «  espace d’innovation ».

Le succès ou l’abandon de Galileo dépend donc du choix de l’Union européenne sur la poursuite ou non d’un tel projet. Galileo pourrait contribuer à relancer le dynamisme vacillant de l’Union européenne.

Sauver Galileo est peut-être sauver l’Europe, comme le déclare Noëlle Lenoir, ancienne ministre des Affaires européennes et présidente du Cercle des européens, dans un de ses articles. Car le symbole d’une telle réussite n’est pas à négliger !

Photo : « Westerlund 2 : A Stellar Sight », « Earth’s Limb and Airglow », « Crescent Moon », par Galerie de photos de NASA’s Marshall Space Flight Center

Vos commentaires
  • Le 3 mars 2011 à 12:22, par Ronan En réponse à : Galileo : un projet en suspens ?

    Galiléo et l’Union Européenne : Et pourtant, elle tourne ! ; - ))

  • Le 4 mars 2011 à 13:44, par KPM En réponse à : Galileo : un projet en suspens ?

    Ronan> Je ne sais pas pourquoi, mais en lisant ta réponse, sans avoir vu ton nom, je savais que c’était toi qui l’avais postée :-))

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