Deux lapins sortis du chapeau ?
Alors que des noms comme Tony Blair, Jean-Claude Juncker circulaient pour ces postes, le Conseil a finalement opté pour deux personnalités inconnues de la scène européenne : Catherine Ashton et Herman Van Rompuy. Cette surprenante décision était finalement assez prévisible après une rapide analyse de la situation.
Le Président du Conseil peut faire de l’ombre aux chefs d’Etats et de gouvernements s’il utilise pleinement les possibilités offertes par son poste. Ces derniers ont donc tout intérêt à ne pas tendre le bâton pour se faire battre. Un président charismatique et compétent au poste de président du Conseil aurait été perçu par les chefs d’Etats comme une diminution de leurs attributions en matière de politique étrangère. Or ceci est faux ! Le Conseil décidant à l’unanimité en matière de politique étrangère, le président ne pourra s’exprimer que lorsque tous les 27 Chefs d’Etats et de Gouvernements seront d’accord.
Pas plus que le Haut Représentant pour la politique étrangère sous les précédents traités, ce Président du Conseil ou le chef de la diplomatie européenne ne pourra exprimer une position qui n’ait été au préalable validée par les 27. Il s’agit donc d’un haut-parleur, pas d’un soliste.
Les pouvoirs de ces deux postes restent donc limités à une représentation de la voix des 27 chefs d’Etats et de gouvernements comme sous le Traité de Nice. Néanmoins, l’efficacité de ce message sera certainement améliorée par au moins deux éléments :
Le Président sera directement inclus dans le Conseil et pourra négocier directement et légitimement avec les 27 chefs d’Etats et de gouvernements pour obtenir une position commune. Ainsi, nous pouvons espérer que les compétences de négociateurs de Herman Van Rompuy seront utiles pour augmenter les prises de position du Conseil qui reste souvent silencieux par manque de consensus.
Les moyens d’action seront également augmentés avec la création d’un corps diplomatique européen. Si ce corps diplomatique voit le jour dans les faits, les moyens mis à la disposition des deux représentants seront décuplés. Le message sera donc plus audible.
Cependant la personnalité et le charisme sont également efficaces pour remplir correctement la mission confiée, surtout lorsque les moyens diplomatiques sont encore faibles par rapport à ceux de certains Etats. Et c’est là que la déception surgit lorsque l’on regarde les deux nominés.
Le vainqueur c’est Jose Manuel. Oui mais de quoi ?
La presse s’est empressée de souligner que le grand vainqueur de ces nominations était Jose Manuel Barroso. Or le Traité de Lisbonne crée un nouveau cadre institutionnel qui nécessite une phase de rodage. Son fonctionnement et la pratique institutionnelle seront tout aussi importants que le contenu du traité et restent aujourd’hui à construire.
Comme la presse l’a souligné, avec un président du Conseil peu charismatique, le président de la Commission n’affaiblit pas sa position de « Monsieur Europe » sur la scène internationale. Barroso gagne contre le Président du Conseil. 1-0.
Mais l’Union Européenne gagne-t-elle en poids par rapport aux Etats sur la scène internationale ? Avec un Président du Conseil présenté comme un négociateur, le rapport entre la Commission et les Etats reste le même qu’à Nice. Ce sont les Etats qui vont monopoliser l’action en politique extérieure et la Commission restera une enceinte administrative au lieu d’évoluer vers un réel gouvernement européen. Barroso contre les Etats. 1-1
La Commission ne gagne donc pas le match et c’est dans la pratique institutionnelle que le réel Monsieur Europe surgira. Pour l’instant, les Etats ont nommé un Président du Conseil qui était considéré comme un remplaçant sur le banc de touche face aux nombreux candidats en lice.
Démocratie expulsée – carton rouge aux chefs d’Etats
Le grand perdant de cette nomination reste le peuple européen. L’absence de transparence dans ces nominations à huis clos ne favorise ni l’efficacité du Conseil et de la Commission (tractations en coulisses pour obtenir des postes) ni la perception de l’UE auprès des citoyens (lointaine, obscure, technocratique). Or ici ce sont les chefs d’Etats et de gouvernements qui sont la cause de ces nominations sorties de nulle part. Espérons qu’Herman Van Rompuy saura transformer ce Conseil en instance transparente et intelligible pour les citoyens.
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