Selon Jacques Delors, le « gouvernement économique » de la zone euro proposé par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ne « servira à rien » tel quel, et l’idée d’un ministre des finances de la zone euro n’est qu’un « gadget farfelu ». Delors prend pour preuve la création du poste de Catherine Ashton, qui n’a pas changé beaucoup à l’architecture de l’Union européenne.
Il met ainsi le doigt sur la limite des symboles, à l’instar de François Bayrou, invité du journal de TF1 la veille. Si l’expression est lancée, un gouvernement économique se réunissant tous les six mois est il encore un gouvernement ? Quelle différence avec l’ancienne habitude des sommets ?
Pour Delors, les dirigeants européens proposent des solutions incomplètes
Jacques Delors va même plus loin en appuyant là où ça fait mal. Pour lui, la Grèce n’est pas la seule coupable, et la responsabilité principale incombe aux ministres des Finances de l’eurozone qui n’ont pas demandé de comptes, ou exigé des audits renforcés. Le mal étant fait, il n’est pas non plus en faveur d’une sortie de l’euro par la Grèce.
Sortir de l’euro n’est pas nécessairement une solution miracle, et une monnaie grecque, même dévaluée, aura du mal à retrouver un certain équilibre. D’autre part et surtout, Jacques Delors rappelle que l’euro n’est pas une simple mesure commerciale ou économique, mais une aventure collective.
Derrière ces mots, et à travers la première critique esquissée des gouvernements de l’eurozone, il montre en filigrane que l’euro est la victoire ou le produit d’une idéologie, et que cette monnaie avait pour ambition avant tout d’accompagner, d’amener la formation d’une Europe politique, qui ne peut se faire sans un gouvernement économique.
L’avenir, les solutions Delors
Tour d’abord, il faut faire vite. Jacques Delors explique que les milieux de la finance ne pourront pas attendre le mois de Septembre et les prochains sommets européens pour obtenir des solutions européennes aux problèmes de l’euro. D’autre part, les solutions doivent répondre à l’architecture d’une Europe qui, sur le plan économique, repose sur un triangle : la compétition qui stimule, la coopération qui renforce, et la solidarité qui unit.
Il esquisse en fait une alternative : soit un nouveau transfert de pouvoirs à l’Union européenne, difficile à accepter comme il l’admet, soit une coopération économique renforcée, plus réaliste à son goût. On peut sans doute regretter son pragmatisme, formulé au dépend d’une idéologie fédéraliste dont il fut l’un des plus fervents hérauts. Toute coopération est néanmoins bonne à prendre, même celle des Etats, surtout lorsqu’il s’agit de sauver un symbole fort de l’Union européenne.
Plus précisément, Jacques Delors entend mutualiser partiellement les dettes des Etats à hauteur de 60%, au niveau des pays de la zone euro. Ainsi, les Etats seraient couverts par une garantie partielle de l’Union économique et monétaire, aboutissant mécaniquement sur des taux d’intérêts plus faibles. Cette solution a le mérite d’être un relatif compromis, mais qui semble encore en l’état peu réalisable.
Dans le pire des cas, l’Europe actuelle ne deviendra qu’un grand espace de libre-échange, ce qui ne se fera certes pas sans quelques avantages, mais qui sonnera la sanction de la montée « problématique de l’individualisme qui mine les aventures collectives ». Il faut garder un projet mobilisateur, une vision géopolitique à l’horizon 2050, et non pas une simple union libre-échangiste à court terme.
Si la formule choc, ou sévère, a pu être perçue comme défavorable aux intérêts européistes qui en temps de crise n’ont pas vocation à exagérer des situations catastrophiques, l’analyse de Jacques Delors est entièrement, et totalement, européiste.
1. Le 23 août 2011 à 10:20, par HERBINET En réponse à : L’interview de Delors du 18 août : défaitisme ou appel au réveil des consciences ?
Le défaitisme n’ayant aucune place, la génération de transition lance un appel au réveil des consciences. Capable de s’indigner avec colère, la génération de transition inscrit dans la lumière le lien vivace qui nous unit à l’exigence d’un fédéralisme légal et légitime, dont le message à la portée universelle bouleversera la vision du devenir européen.
Les guerres terrifiantes et les divisions intestines laissèrent place à la paix, à la justice, à la prospérité, à 23 langues, à 27 pays, etc. Malheureusement, les identités plurielles ne débouchèrent que faiblement sur l’émergence d’une authentique identité européenne. Or, l’organisation rationnelle optimale des relations humaines en Union européenne nécessite une confiance en l’identité commune. Si les contours du bien vivre ensemble demeurent imprécis, l’espace juridique européen s’est construit progressivement - (1967) convention de Naples, (1985) accords de Schengen, (1988) convention de Lugano, (1993) entrée en vigueur du traité de Maastricht, (1997) traité d’Amsterdam, (1999) conseil de Tempere, (2003) lancement du mandat d’arrêt européen. Face au désenchantement, sommes-nous victimes du mirage de l’injustice ? Selon Benjamin Constant « La souveraineté du peuple est circonscrite par les bornes que lui trace la justice. La volonté de tout un peuple ne peut rendre juste ce qui est injuste ». N’ayant de cesse la quête de sociétés européennes justes, organisons des sociétés libres, respectueuses, responsables, égales et solidaires au nom de l’intérêt général. A l’aube du troisième millénaire, quelles politiques communautaires pour l’emploi, pour la croissance et pour la compétitivité des entreprises européennes ? Quelles politiques au sujet des questions du logement, des transports, des villes, de la sécurité, de la santé, de l’énergie et du climat ?
Le XXIème siècle sera-t-il fédéraliste ? Qu’est-ce qu’être européen ? Quels choix pour la civilisation européenne ? Comprendre son européanité, c’est soutenir la victoire du camp de la liberté contre l’odieuse tyrannie totalitaire. Des horreurs passées naquit la mise en commun des productions de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne, au sein d’une organisation ouverte aux autres pays européens. L’Europe est à nous, sa construction spatiale et temporelle s’enracine historiquement entre l’Atlantique et l’Oural. Terre d’immigration, les acquis de la construction européenne s’articulent autour du Traité de Rome (1957) et de l’espace Schengen (1985). L’Europe est un creuset religieux, philosophique, sociologique, économique, culturel et politique. Au sein de nos villes européennes, aussi plurielles soient-elles, face aux incivilités, à la violence, au racolage, à la corruption, à l’exclusion, à la croissance insatisfaisante des besoins, il est judicieux de promouvoir une communication policée, des espaces de liberté et de solidarité pour la mosaïque des communautés. Ne jamais banaliser le sang de l’Histoire mais tirer les leçons de l’Histoire pour en extraire la quintessence - justifier la mort pour en extraire la vie - Shoah, Nuit et brouillard, La liste de Schindler, Fahrenheit 9.11. De la fierté de son art baroque, de la chrétienté de ses racines, de l’unicité de sa monnaie, la créature suscite de nos jours une kyrielle de réserves. Si sa beauté de jadis s’inscrivit dans le génie humaniste des Lumières du XXIème siècle, par-delà les décennies, l’Europe versa dans le doute malgré l’inventivité de ses architectes. Vider le sens de l’acception fédérale de la construction européenne, c’est refuser de donner un SENS à l’Histoire européenne. Dans une perspective de long terme, l’Union européenne contribue à la stabilité de l’ordre mondial. Comme la devise olympique nous l’indique, souhaitons au fédéralisme - citius, altius, fortius - au service de la civilisation européenne. Et si le fédéralisme donnait forme à un ordre nouveau ? Et si nous mettions en perspective l’histoire européenne avec des choix de civilisation ?
Pierre-Franck HERBINET membre de la Société Civile Organisée en adéquation avec le réseau ETAL
2. Le 26 août 2011 à 11:39, par Laurent Leylekian En réponse à : L’interview de Delors du 18 août : défaitisme ou appel au réveil des consciences ?
Une analyse qui va dans le même sens : l’UE pour le peuple mais sans le peuple.
C’est triste mais c’est vrai.
3. Le 26 août 2011 à 14:47, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : L’interview de Delors du 18 août : défaitisme ou appel au réveil des consciences ?
@Laurent Leylekian : c’est précisément là tout le sens du combat des fédéralistes européens.
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