Campagne pour les Etats-Unis d’Europe

Pour des ressources propres à l’Union européenne

Lettre ouverte aux membres du Parlement européen

, par Jean-Guy Giraud

Pour des ressources propres à l'Union européenne

le 12 Juin 2010 à Toulouse, l’Union des Fédéralistes Européens a décidé de lancer une « Campagne pour les Etats Unis d’Europe ». Cette campagne a pour but de réanimer le processus d’intégration politique de l’Europe dans la voie d’"une Union toujours plus étroite des peuples européens" telle que fixée par les Traités et réaffirmée par le Traité de Lisbonne. D’ici à 2014, des progrès significatifs doivent être accomplis en priorité dans 5 domaines : le gouvernement économique, le fédéralisme budgétaire, la communautarisation de la PESC, la loi électorale européenne et la suppression du droit de veto.

Madame la Députée, Monsieur le Député,

Dans notre première lettre ouverte relative à notre « Campagne pour les Etats-Unis d’Europe », nous vous avions annoncé des prises de position de l’UEF sur les grands sujets d’actualité et de nature institutionnelle ou constitutionnelle.

Nous vous prions donc de trouver ci-après une prise de position sur la question des ressources propres qui fait actuellement l’objet du projet de rapport de M. Alain Lamassoure.

De multiples analyses, études, livres blancs de la Commission et rapports du Parlement européen ont - depuis la création des ressources propres communautaires en 1970 - traité de la question du financement du budget de l’UE. Un énième livre blanc "factuel" de la Commission est prévu pour le 16 octobre 2010, en ouverture du "grand débat" sur les perspectives financières 2014/2019.

L’UEF FRANCE n’entend pas participer au débat d’experts, mais souhaite prendre position (de son propre point de vue, celui d’une organisation vouée à la poursuite de l’intégration politique de l’Union européenne telle que prévue par les Traités) sur une question de nature quasi-constitutionnelle, déterminante pour l’avenir de la construction européenne.

UN CONSTAT

L’UEF France rappelle -sans qu’il soit nécessaire de les développer- les points suivants :

1. la renationalisation des ressources propres de l’Union européenne depuis la création de la "4ème ressource" (contributions nationales basées sur le RNB) qui finance à présent près de 80% du budget,

2. la non-conformité de cette renationalisation avec la lettre et l’esprit des traités (1),

3. la complexité et l’illisibilité du système actuel et, pire, son absence de légitimité démocratique du fait de sa déconnexion avec le contribuable européen,

4. le renvoi perpétuel à un "long terme reconductible" de toute réforme de fond par la Commission et le Conseil,

5. le caractère non-communautaire de la procédure de révision du système malencontreusement laissée inchangée par le Traité de Lisbonne (pas de droit de proposition de la Commission, vote unanime du Conseil, pas de codécision du PE, ratification par les Etats membres).

UNE POSITION

L’UEF France prend acte des différentes options présentées dans les nombreuses analyses, études et autres publications susmentionnées. Sur ces bases, elle estime que :

6. les diverses ressources "de circonstance" envisagées (taxes bancaires ou financières / impôt sur les sociétés / taxe sur le CO2/ etc.) n’ont pas les caractéristiques d’une véritable ressource autonome propre à l’UE, occultent le lien entre l’impôt et le contribuable européens (elles reviennent en fait à "faire payer les autres") ou ont de complexes implications nationales et internationales qui font fortement douter de leur mise en œuvre éventuelle ;

7. le "retour" à la TVA communautaire apparait comme la solution la plus appropriée du fait :

 de la préexistence de cette ressource (en vigueur depuis 1979)

 de son caractère simple, visible et élastique (taux variable)

 du caractère évolutif de son assiette (finalisation de son harmonisation / extension possible à des secteurs exonérés cf. activités bancaires)

 de la possibilité de l’affecter d’une péréquation objective (progressivité) selon les Etats membres

 de l’exclusion -et donc de la décharge- des budgets nationaux de la part communautaire de TVA.

8. La TVA communautaire devrait donc être (ré) introduite dès 2014 à concurrence de 50% du total des ressources et financer (quasi) intégralement le budget à partir de 2019 (3),

9. Du fait du caractère "constitutionnel" de la question de la taxation, celle-ci devrait être examinée et tranchée prioritairement - sans la lier politiquement à celles du volume et de la nature des dépenses communautaires qui seront examinées dans le contexte de la programmation 2014/2019 (3),

10. L’UEF F rappelle l’engagement de la Commission à "proposer une véritable ressource fiscale propre d’ici au 1/1/2014" et rejoint la position du groupe ALDE liant l’adoption du budget 2011 par le PE à une "déclaration préalable du Conseil prévoyant de doter l’UE d’une nouvelle ressource propre »,

11. Au-delà de cette position, l’UEF-France estime qu’il convient d’étudier la faisabilité d’un impôt direct européen qui viendrait compléter le budget de l’Union. Seule une contribution directe peut lier explicitement et durablement le citoyen à l’Union et l’inciter ainsi à s’intéresser davantage à son développement.

"Le salut ne peut venir que d’un retour à la philosophie des Traités selon laquelle les politiques communes doivent être financées non par des contributions nationales mais par des ressources propres directement affectées à l’UE (...). La possibilité d’affecter à l’UE une part d’impôt existant - comme 2 ou 3 points de TVA (...) - mérite d’être approfondie." Alain Lamassoure

CONCLUSIONS

L’UEF France considère que la question des ressources propres revêt autant d’importance pour la poursuite de l’intégration politique de l’Union européenne que celle de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct, de l’accroissement de ses pouvoirs budgétaires ou de la disparition du droit de veto des Etats membres sur les décisions communautaires.

L’UEF France vous remercie donc de l’attention que vous porterez à la présente lettre ouverte et espère qu’il vous sera possible d’en tenir compte dans vos délibérations.

Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, l’expression de mes salutations européennes.

Jean-Guy GIRAUD, Président de l’UEF-France.

Notes

(1) Art. 311 § 2, TFUE : « Le budget est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres »

(2) Art 311 § 4, TFUE : « Le Conseil, statuant (…) à l’unanimité et après consultation du Parlement adopte une décision fixant les dispositions applicables au système des ressources propres de l’UE. Il est possible, dans ce cadre, d’établir de nouvelles ressources propres (…). Cette décision n’entre en vigueur qu’après son approbation par les Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »

(3) 1% du produit de la TVA communautaire correspond à environ 50% du budget de l’UE

image : logo de la campagne pour les Etats-Unis d’Europe, menée par l’Union des Fédéralistes Européens

crédits : Fédéralistes Européens – France – France (UEF)

Vos commentaires
  • Le 2 décembre 2010 à 16:56, par HR En réponse à : Pour des ressources propres à l’Union européenne

    Il y a une énorme contradiction entre les points 6 et 7, en particulier entre "les diverses ressources... occultent le lien entre l’impôt et le contribuable européens ’ et "le « retour » à la TVA communautaire apparait comme la solution la plus appropriée"

    En effet, le lien le plus évident entre impôt et geste citoyen qui consiste à payer l’impôt, c’est le paiement de l’impôt direct indexé sur le revenu.

    L’impôt indirect, la TVA, non seulement occultent le lien entre impôt et citoyen mais aggravent le sentiment de "payer pour les autres" en ce que l’impôt indirect et le plus injuste qui soit en frappant le citoyen sans considération directe pour son niveau de revenu.

  • Le 3 décembre 2010 à 00:14, par Cédric En réponse à : Pour des ressources propres à l’Union européenne

    Tout à fait d’accord avec HR. La TVA est un impôt injuste.

    Par ailleurs, affirmer que la taxe CO2 est une "ressources « de circonstance » envisagées n’ayant pas les caractéristiques d’une véritable ressource autonome propre à l’UE et ayant de complexes implications nationales et internationales qui font fortement douter de leur mise en œuvre éventuelle" relève d’une mauvaise foi crasse.

    Puis-je rappeler que, malgré tous les beaux discours, la seule Taxe CO2 actuellement en vigueur en France est bien une taxe européenne, définie par l’Europe, et bientôt perçue par l’Europe pour le budget français ?

    Il s’agit du marché européen de carbone, ou plutôt des recettes tirées par l’UE de mises aux enchères dans le cadre du système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.

    Ce système est en vigueur depuis 2005. Il est désormais entièrement harmonisé au niveau européen, unifié à l’échelle de l’UE. L’utilisation de 50% des recettes de ce système est déjà définie au niveau européen (fléchage). Même la mise aux enchères sera européenne à partir de 2013 (création d’une plateforme européenne décidée en novembre) ! Cela signifie que les ressources fiscales seront prélevées par des agents européens mais reversées aux budgets nationaux.

    Recettes possibles pour le budget européen : 20Md€ / an. La simple suppression des exemptions à ce systèmes prévue fin 2008 permettrait d’arriver à 35Md€ / an (=1/4 du budget européen).

    Aussi, venant de pseudo-fédéralistes, je trouve qu’écarter d’office la Taxe CO2 des ressources propres est un preuve d’ignorance, de démagogie, voire tout simplement d’un esprit tordu.

  • Le 3 décembre 2010 à 00:28, par JG GIRAUD En réponse à : Pour des ressources propres à l’Union européenne

    1. la TVA communautaire ( r )établirait le lien entre le contribuable et le budget européen en étant spécifiée sur la facture ( pour un achat de 100 , la TVA nationale serait par ex. de 15% et la TVA européenne de 1%)

    2. la TVA n’est pas un impôt progressif mais seulement proportionnel . Elle n’a pas de vocation redistributrice (bien que l’on puisse imaginer un taux de TVA communautaire affecté d’une décote en fonction du PNB par habitant).

    3. si l’assiette et les taux de l’IR sont un jour harmonisés (ce dont il n’est pas question à l’heure actuelle car il n’y a pas de lien entre l’IR et la libre circulation des marchandises au sein de l’UE) la question d’affecter une part de cet impôt au budget UE pourrait éventuellement se poser . A noter que dans certains EM de l’UE (dont la France) , une bonne partie des contribuables ne paient pas d’IR car ils se situent en dessous du seuil de revenu taxable.

    4. par contre, l’harmonisation de l’assiette de l’IS dans l’UE (qui pourrait être utile pour le marché intérieur) est actuellement à l’étude ; si elle aboutit - et si les taux peuvent aussi être harmonisés - une partie du produit national de l’IS pourrait être affectée au budget de l’UE sans que cela n’ait toutefois aucun effet redistributif .

    3. l’effet redistributif du budget européen s’opère essentiellement par la voie des dépenses ( fonds régional et social , lutte contre la pauvreté , aide aux victimes de catastrophes naturelles , etc...) .

    4. si l’UE devient un jour une sorte de fédération dotée d’un budget important , il faudra effectivement se préoccuper de l’effet redistributif de ses ressources propres .

    Cordialement JG GIRAUD

  • Le 3 décembre 2010 à 10:37, par HR En réponse à : Pour des ressources propres à l’Union européenne

    Monsieur le Président

    Merci pour la réponse.

    Mais je rappelais ici simplement une question de principe, notamment fédéraliste. Inutile ici de polémiquer sur la question de savoir si lorsqu’on paie une facture, on a conscience de payer des impôts. Cela a plus à voir avec une tradition européenne de taxes sur la marchandises dont la gabelle reste un symbole. On sait comment le « le Tea Act » vs. « no taxation without representation » accoucha finalement de la première grande Révolution contre une tyrannie européenne et de la première grande république constitutionnelle fédérale de l’histoire. On pourrait aussi méditer sur le fait qu’aujourd’hui encore, ce qui fonde la légitimité de l’Etat fédéral américain, c’est qu’il est principalement financé par l’impôt sur le revenu.

    Votre réponse appelle une autre question de principe. Est-ce que l’Union des Fédéralistes Européens, notamment par la voix de son Président, ne se devrait pas d’exprimer le dernier point (quatre, mais en réalité six) de manière positive et en le mettant en avant ?

    Par exemple : "1. L’UE deviendra un jour une fédération dotée d’un budget important. Il faut d’ores et déjà se préoccuper de ses ressources propres et de leur effet redistributif.

    Respectueusement.

  • Le 4 décembre 2010 à 17:20, par JG GIRAUD En réponse à : Pour des ressources propres à l’Union européenne

    Je suis d’accord sur l’importance de la « Boston tea party » à la fois dans la génèse de la révolution américaine (n’oubliez toutefois pas que ceux qui ont balancé les colis de thé anglais dans la Charles River étaient déguisés ...en indiens ) et dans la réaffirmation du principe simple et essentiel de démocratie (originaire d’ Angleterre ...) : « no taxation without representation » . Ce dernier principe est important pour l’UE : c’est la base même de la revendication par le PE de partager avec le Conseil le pouvoir fiscal notamment dans la mesure où le budget européen est financé par des ressources propres (ce qui n’est pas le cas actuellement) .

    Dans le système fiscal américain actuel , l’impôt sur la consommation est constitué par les « sale tax » qui figurent sur la facture (mais pas toujours sur l’étiquette) , qui varient en fonction des Etats et des marchandises et qui sont en principe perçues par les Etats (à vérifier). Il est fâcheux que le « Tea party » soit aujourd’hui devenu aux USA le symbole d’un puissant mouvement ...antifédéraliste et notamment opposé à l’impôt fédéral sur le revenu .

    Même si le parallèle entre la construction des fédéralismes américain et européen se heurte à de grandes disparités historiques , culturelles , politiques , etc... il n’en est pas moins intéressant voire passionnant (cf. la comparaison entre la Convention de Philadelphie de 1787 et la Convention européenne de 2002 : articles à votre disposition) .

    Pour ce qui concerne le choix de la TVA communautaire comme principale RP européenne , il est dicté par un souci « tactique » : ce sera le moins difficile à (ré)activer à brève échéance et potentiellement le plus productif . L’argument de la visibilité (sur « l’étiquette ») est d’ordre éthique mais aussi , il est vrai , à double tranchant !

    Les « lettres ouvertes » adressées au MPE par l’UEF F dans le cadre de sa « Campagne pour les Etats-Unis d’Europe » s’attachent à proposer des solutions fédéralistes - mais aussi concrètes et « réalistes » - à des problèmes de nature institutionnelle voire constitutionnelle en cours de débat dans les Institutions : les ressources propres (lettre n°I) , la gouvernance économique (lettre n°II) , la révision des traités (lettre n°III) . Nous sommes reconnaissants à tous ceux qui , comme le Taurillon , nous aident à les diffuser .

    Cordialement, JG GIRAUD

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