Si les peuples disent non... donnons la parole au peuple !

Europe : Proposition pour éviter la crise

, par Jean-Dominique Giuliani

Si les peuples disent non... donnons la parole au peuple !

Après le non irlandais, Jean-Dominique Giuliani a écrit sur son blog une proposition pour éviter la crise en Europe. Il a autorisé le Taurillon à reproduire cette tribune intitulée Si les peuples disent non... donnons la parole au peuple !, où il fixe aux prochaines élections européennes de 2009 l’objectif d’établir un sentiment d’appartenance des citoyens d’Europe à un ensemble politique démocratique à l’échelle du monde d’aujourd’hui.

Le non référendaire irlandais au Traité de Lisbonne rend plus difficile la prochaine présidence française de l’Union européenne, plus importante aussi. Nicolas Sarkozy se trouve propulsé aux avant-postes, avec le soutien d’Angela Merkel. Sa tâche est encore plus essentielle à l’avenir des réformes institutionnelles.

Tous les États membres de l’Union ont le droit de se prononcer sur la réforme des institutions et le vote irlandais ne saurait interrompre le processus en cours. Ce n’est que lorsque chacun des pays se sera prononcé qu’il faudra constater la réalité de la situation et trouver les moyens juridiques et politiques d’y faire face. L’Irlande devra dire, de toutes façons, ce qu’elle ne veut pas dans ce Traité et ce qu’elle veut pour l’Europe.

Pour autant, on aurait tort de ne pas tirer les leçons de ce nouvel incident référendaire, sauf à accepter que l’Europe a un problème avec les peuples.

Manifestement les peuples d’Europe ne sont pas hostiles à l’unification du continent. Mais ils saisissent toutes les occasions que leur donnent des procédures nationales d’approbation de décisions européennes pour exprimer leur mécontentement. Celui-ci peut concerner leurs gouvernements, leurs angoisses envers des mutations rapides, leur incompréhension des méthodes de décisions et de fonctionnement de l’Union, ou plus simplement leurs critiques à l’égard de politiques européennes. En d’autres termes, c’est moins la finalité de l’Union européenne que ses mécaniques et ses politiques qu’ils condamnent.

On dira qu’il s’agit d’une méconnaissance et d’un manque d’explication. C’est vrai, mais cela ne suffit pas. En fait, l’Union a atteint plus vite que prévu le stade politique que lui fixaient ses fondateurs. Elle doit maintenant se politiser, c’est-à-dire faire de la politique, débattre, affronter l’opinion, être à l’écoute des demandes et des attentes, savoir y répondre concrètement.

Ce n’est pas facile compte tenu de sa nature. L’Union européenne reste à la fois une union volontaire d’États indépendants et une union de peuples élisant déjà en commun un Parlement européen aux pouvoirs quasi-fédéraux. Elle doit désormais démontrer qu’il est possible de respecter les identités nationales tout en construisant une démocratie supranationale.

Un bon moyen d’y parvenir serait de donner aux Européens l’occasion de s’exprimer tous ensemble sur une même question politique. Pourquoi ne pas saisir l’occasion des prochaines élections au Parlement européen, en juin 2009, pour leur offrir cette possibilité ? Il suffirait soit de personnaliser et d’européaniser l’élection en annonçant le choix d’un leader qui conduirait des listes nationales alliées et qui serait voué à présider la Commission en cas de victoire de ses listes, soit de profiter de ce scrutin, forcément organisé dans tous les États membres, pour demander à chaque Européen de faire connaître sa préférence pour un président du Conseil européen.

 Dans le premier cas, la campagne européenne serait obligée d’aborder de vrais choix politiques et se ferait, enfin, sur de vrais programmes.
 Dans le second cas, un référendum européen, même consultatif puisque la décision de nommer un président appartient aux Chefs d’Etat et de gouvernement, contribuerait grandement à politiser le scrutin et à obliger les candidats à se définir par de vrais choix politiques.

Ces campagnes à l’échelon européen seraient l’objet de vrais débats et de choix véritables. Ces votes organiseraient une démocratie européenne plus directe. Ils créeraient un sentiment d’appartenance à un ensemble politique démocratique à l’échelle du monde d’aujourd’hui.

Jean-Dominique Giuliani est un expert des questions européennes. Il préside la Fondation Robert Schuman, laboratoire d’idées français entièrement consacré à l’Europe.

Il a récemment publié Un Européen très pressé (Editions du Moment, Mai 2008) dans lequel il analyse la politique européenne de Nicolas Sarkozy depuis son élection le 6 mai 2007. Il a également publié Marchands d’influence, les lobbies en France (Le Seuil, 1991) et Quinze plus dix, le grand élargissement (Albin Michel, 2003).

Illustration : photographie issue de la page d’accueil du site Touteleurope.fr.

Vos commentaires
  • Le 17 juin 2008 à 15:29, par mBaf En réponse à : UE- Voici venu le temps des citoyens

    500 millions d’Européens sont –au nom de la démocratie- pris en otage par 862,415 Irlandais (soit à peine 0.2% de l’ensemble de la population de l’UE). Selon les partisans parfois élitistes de la démocratie représentative, la faute en revient aux partisans de la démocratie directe, en d’autres termes, « le peuple ignorant et incorrigible ». Cette vision méprisante ne peut qu’aggraver la situation catastrophique dans laquelle se trouve actuellement l’UE.

    Dans une démocratie le moyen démocratique ne peut qu’être juste. Mais en Irlande celui-ci a été mal employé. Ainsi, ce moyen aurait été justifié si le référendum irlandais posait une question irlandaise sans dimension européenne. Pour une question concernant l’ensemble des européens, ne faudrait-il pas organiser un référendum paneuropéen ? Cette échelle serait d’autant plus appropriée, que le véritable souverain s’exprimerait. Que la réponse soit Oui ou Non, elle serait alors légitime.

    Or, dans l’UE, le souverain se compose des 500 millions de citoyennes et citoyens, et non d’une majorité irlandaise. Et au vu du principe archaïque d’unanimité qui régit l’UE, on pourrait en arriver à une situation encore plus grotesque : Malte ou Chypre, du haut de leurs 315.000 et 500.000 citoyens ayant le droit de vote, seraient en mesure de bloquer définitivement l’UE.

    Peu importe alors que l’on soit pour ou contre l’UE : nous ne pouvons nous permettre qu’une poignée de nationalistes dicte sa loi à 500 millions de citoyens européens. Nous avons besoin, en ce qui concerne les décisions européennes d’importance, d’un référendum paneuropéen ! Le traité de Lisbonne était en mesure de nous offrir cette opportunité. Et même si l’avenir nous dira si celui-ci est enterré, nous devons agir dés maintenant. Exigeons un référendum paneuropéen pour toute question concernant l’Europe dans son ensemble telles, les élargissements futurs, les grandes orientations climatiques ou encore l’élection directe du président de l’UE. Cette possibilité, de s’exprimer et de voter, est fournie sur le site Internet, www.we-change-europe.eu. Changeons d’Europe- maintenant !

  • Le 17 juin 2008 à 15:34, par Fabien Cazenave En réponse à : UE- Voici venu le temps des citoyens

    Oui, nous sommes bien d’accord : un référendum pan-européen serait bien mieux... D’ailleurs, nous avons fait plein d’articles à ce sujet.

    Pour info, en en discutant lors d’une émission sur Public Sénat avec un des porte-parole du PC, je me suis aperçu qu’il était beaucoup moins chaud que nous avec le côté pan-européen de ce référendum... préférant des ratifications vraiment nationales.

  • Le 17 juin 2008 à 15:57, par bbel En réponse à : UE- Voici venu le temps des citoyens

    Vous nous dites : « 500 millions d’Européens sont –au nom de la démocratie- pris en otage par 862,415 Irlandais (soit à peine 0.2% de l’ensemble de la population de l’UE. »

    Je déteste votre mépris de la démocratie, elle est révoltante.

    La réalité est plus dure : seule une faible portion du peuple européen a pu s’exprimer sur le traité de Lisbonne, il est tout simplement odieux de ne pas avoir consulté le peuple européen dans les 26 autres états : 500 millions d’européens sont réduits au silence, ce seul fait impliquait un « No » des irlandais.

  • Le 17 juin 2008 à 16:23, par Fabien Cazenave En réponse à : UE- Voici venu le temps des citoyens

    Bbel, ne trouvez-vous pas que cet argument est également valable si l’Irlande avait voté oui alors que le reste aurait peut-être majoritairement voté non ? Les Irlandais ont le droit de voter ce qu’ils veulent, encore heureux.

  • Le 17 juin 2008 à 21:14, par Valéry En réponse à : UE- Voici venu le temps des citoyens

    Votre commentaire est en effet assez hors sujet : si 26 référendums avaient votés oui et un seul pays, pas une ratification parlementaire, avait voté contre, en l’état actuel du droit, le traité ne pourrait entrer en vigueur. C’est pourquoi la règle de l’unanimité est intolérable : elle garantit si on ne trouve pas une solution pour la contourner, que l’Europe reste définitivement bloquée aux institutions actuelles que nonistes et ouiste s’accordent pour la plupart à trouver insatisfaisantes.

    L’enjeu est avant tout celui-ci.

    Ensuite, il est vrai que le respect du choix des peuples dont les élus ont ratifiés le traité est aussi un aspect important à prendre en compte du point de vue démocratique. Ce n’est pas à la minorité d’imposer son choix aux autres.

    En tourte hypothèse l’Irlande devra donner son accord pour l’entrée en vigueur du traité. Elle ne le fera que s’il lui est proposé des garanties sur les points qui préoccupaient les électeurs qui se sont exprimés.

  • Le 18 juin 2008 à 14:21, par Ronan En réponse à : UE- Voici venu le temps des citoyens

    Avec le référendum européen (et le respect de l’exigeance démocratique pour tous les citoyens européens), exigeons également que les Traités entrent en vigueur à la majorité qualifiée des signataires et non plus à l’unanimité.

    Après quoi, pour ce qui est des Etats, que les uns ou les autres votent majoritairement « OUI », « NON » ou encore autre chose, ça sera surtout leur strict problème personnel, individuel et portatif (mais pas ou plus celui des autres Etats européens).

    Après cela, si la France, les Pays-bas ou l’Irlande (ou n’importe qui d’autre) veulent absolument voter « NON », libre à elles : pourvu qu’elles n’empêchent pas les autres d’avancer (et ne pourrissent pas la vie de leurs partenaires).

    S’il n’est effectivement pas normal que les peuples ne soient pas consultés, il n’est pas normal non plus qu’un seul Etat membre bloque tout. La situation normale ?! Que tous les Etats et tous les citoyens soient consultés et qu’on puisse enfin dire "au revoir" à un partenaire qui aurait finalement - souverainement mais librement - décidé de quitter le convoi.

    A partir de là, que chacun prenne librement ses responsabilités pour soi-même (mais sans ligoter les autres à son libre choix...).

  • Le 18 juin 2008 à 14:57, par Ronan En réponse à : UE- Voici venu le temps des citoyens

    Bbel,

    Il est parfaitement juste de souligner qu’il n’est effectivement pas normal que 98% des citoyens européens n’aient - en effet - pas eu la possibilité de s’exprimer directement sur ce texte.

    Votre "post" laisse à entendre que vous croyez (ce qui, d’ailleurs, vous révolte...) que les animateurs de ce blog préféreraient très largement qu’aucun citoyen européen ne puisse jamais s’exprimer sur ces questions. Ce que vous qualifiez alors de "mépris de la Démocratie".

    Seulement voilà, vous nous faites là un procès d’intention et permettez moi de vous dire que vous êtes là parfaitement dans l’erreur. Car voilà sans doute le sentiment général des animateurs de ce blog sur ces sujets : (1) une validation démocratique des textes européens, c’est effectivement ce qu’il y a sans doute de plus souhaitable pour tout le monde, (2) si les citoyens n’en veulent pas, c’est sans doute qu’il faut revoir la copie (avec les citoyens ?!).

    Cela dit, admettons également qu’il n’est pas normal qu’un seul Etat signataire bloque l’application d’un document ratifié par vingt et quelques autres (même si ceux là n’ont pas ratifié le texte par référendum).

    Enfin, même si les Irlandais ont peut-être éprouvé beaucoup de "compassion" pour tous ceux d’entre leurs concitoyens européens en effet privés de référendum (personnellement, je doute très fortement que ce soient de telles considérations qui aient vraiment motivé leur choix définitif...), on aurait sans doute également pû souhaiter que ces mêmes Irlandais s’expriment sur le fond du dossier plutôt que sur ces seules considérations là...

    Vous allez bien sûr me répondre que les Irlandais ont voté en connaissance de cause sur le sujet. Bien sûr, bien sûr... (Au fait, comment clairement caractériser ce « Non » irlandais ?! : « Non de gauche, prolétarien et anti-libéral », « Non clérical, anti-avortement », « Non libéral, anti-harmonisation fiscale » ou « Non de droite, nationaliste et anti-pieuvre bruxelloise » ?!).

    Sauf que moi je voies surtout que le seul taux d’abstention enregistré lors de scrutin tutoie les 60%. Ce qui laisse donc surtout à penser que les Irlandais (tout sauf une Nation unanimement dressée contre l’Europe) sont surtout bien loin d’être unanimes sur le sujet. Et ce qui laisse également à penser que c’est la seule complexité du sujet (et l’incompréhension manifeste d’une majeure partie des citoyens à cet égard...) qui ont définitivement plombé ce référendum là...

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