Cet accrochage est survenu 17 jours après qu’une cinquantaine de personnes aient été secourues au large de la Libye, mais qu’aucun port sûr n’acceptait de recevoir. Le Sea-Watch 3 a dû rester toute cette longue période dans l’attente d’une solution adéquate, comme l’avaient déjà expérimenté de nombreux navires depuis l’épisode inédit de l’Aquarius en juin 2018, avant de se résigner, sous l’épuisement et la désolation, à accoster en Italie.
Pour Mateo Salvini, ministre de l’intérieur italien et fervent militant d’extrême-droite, les ONG qui patrouillent en mer Méditerranée centrale depuis 2015 pour porter secours aux personnes en détresse sont des criminelles. Selon lui, elles seraient responsables de l’immigration irrégulière, des morts en mer, des profits engrangés par les trafiquants d’êtres humain, et devraient donc être sévèrement punies.
Pourtant, de toutes les ONG poursuivies ces dernières années, aucune n’a pour l’heure été condamnée par la justice. Les accusations de complicité avec les passeurs sont totalement infondées, et cette campagne de dénigrement de l’effort humanitaire coûte la vie à des milliers de personnes chaque année, en mer et en Libye.
Une responsabilité partagée entre l’Italie et l’UE
Premièrement, les Etats européens, et en premier lieu l’Italie, bafouent le droit maritime, qui oblige les navires ainsi que les Etats côtiers à assurer la sécurité en mer. Cela implique de :
- Répondre aux alertes de détresse (que l’Italie ne fait plus, puisqu’elle rejette les appels ou les délègues aux autorités libyennes non doté d’un centre de coordination approprié)
- Engager des moyens de secours (que l’UE a délégué à la Libye alors qu’ils ne sont pas équipés de navires aptes à effectuer des opérations de sauvetages de masse)
- Débarquer dans un lieu sûr les personnes secourues (alors que l’UE fait tout pour que les rescapés soient débarqués en Libye, où les migrants sont quotidiennement torturés, extorqués, violés, et réduits en esclavage).
Deuxièmement, l’Union européenne bafoue le droit des réfugiés, qui vient se juxtaposer au droit maritime, par le fait de refouler des exilés dans un pays (la Libye) où ils sont persécutés.
Enfin, l’aspect le plus emblématique de cet épisode du Sea-Watch 3 est le violent assaut des autorités italiennes contre la solidarité humaine, qui est devenue un délit punissable par la justice après le passage de plusieurs circulaires et décret-loi « anti-ONG ». Le conseil constitutionnel français avait censuré le « délit de solidarité » au nom du principe républicain de fraternité. Mais en Italie, cette dérive liberticide voulue par les semeurs de haine nationalistes brise certains droits humains fondamentaux, pourtant si chers à notre civilisation européenne.
Sur la question migratoire, autant que sur son lien avec la montée de l’extrême-droite en Europe, la responsabilité des partis démocrates et républicains est centrale. Les socialistes, les démocrates, les libéraux et les conservateurs ont tous en commun le devoir de préserver les fondements vitaux de notre cohésion sociale. En traitant la migration par des réponse essentiellement sécuritaires, en pénalisant chaque immigré économiquement, socialement et administrativement, en laissant la rhétorique xénophobe se banaliser, et en réprimant toute initiative solidaire, les gouvernements européens ont donné à l’extrême-droite un espace d’émergence dangereux, qu’il sera difficile de corriger. Plus leurs attaques contre l’Autre se rependent, plus l’altérité devient une anomalie, qu’il devient prioritaire de bannir à leurs yeux. Nous répétons les épisodes les plus sombres de notre histoire commune.
L’acte de désobéissance de Carola Rackete est un signal d’alerte à destination de tous les européens : battez-vous pour vos valeurs humanistes, sinon nous serons tous vaincus.
1. Le 3 juillet 2019 à 17:59, par Michel Cagin En réponse à : Carton rouge au gouvernement italien pour l’arrestation de Carola Rackete, capitaine du Sea-Watch 3
Merci, Antoine Laurent, de vos articles, si justes, courageux et chargés d’humanité. Michel C.
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