La Marine russe a ouvert le feu et capturé trois vaisseaux ukrainiens ainsi que 24 membres de l’équipage le 25 novembre, arguant que l’Ukraine était dans leurs eaux illégalement, dans la mesure où la Russie avait fermé une zone du détroit pour le transport maritime. L’Ukraine, de son côté, a rétorqué en affirmant une fois de plus que la Crimée leur appartient, et que l’acte de la Russie constitue une violation du droit maritime international, car la Mer Noire est proclamée libre à la navigation.
L’Ukraine a continué à attiser les flammes du conflit en déclarant la loi martiale pour une durée de 30 jours et en annonçant que Kiev continuerait d’envoyer des navires de la marine par le détroit de Kertch, pour conserver le contrôle de la Mer d’Azov qui y est reliée.
Comment cela affectera-t-il le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne ?
Depuis la révolution ukrainienne de 2014 qui fut motivée par la volonté de mettre fin à la domination russe sur la sphère politique de l’Ukraine, le pays a suivi une voie résolument en faveur de l’intégration à l’Union européenne et à l’OTAN. Cette évolution a débuté avec l’éviction du président Viktor Ianoukovytch. Soutenu par le Kremlin, il avait rejeté les accords d’association conclus par l’UE en leur préférant un rapprochement avec la Russie.
Sous la direction de son successeur, Petro Porochenko, l’Ukraine commença à développer une politique d’ouverture envers l’UE, notamment avec la signature de l’accord d’association UE-Ukraine en 2014. Porochenko ira même jusqu’à proclamer que « l’intégration européenne et euro-atlantique est une voie sans alternative pour l’Ukraine ».
A l’époque, le président russe Vladimir Poutine avait réagi à l’accord en déclarant qu’ « obliger l’Ukraine à choisir entre la Russie et l’UE la diviserait en deux ».
Et divisée elle sera.
En effet, quatre ans plus tard, la chronologie des évènements en Ukraine a divisé le pays en deux comme l’avait présagé Poutine : entre l’Ouest pro-européen et l’Est pro-russe. 10 000 morts dans la guerre civile en cours en Crimée et dans le Donbass, il s’agit d’une bataille essentielle entre l’Est et l’Ouest qui prouve que le rideau de fer continue bel et bien d’exister à ce jour.
Le 24 août dernier, à l’occasion de la célébration du 27ème anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine de l’Union soviétique en 1991, à la suite de la dissolution de l’URSS, le président Porochenko a réaffirmé l’engagement de l’Ukraine vers l’intégration à l’Union européenne, reconnaissant que l’adhésion fournirait « une garantie à 100% de notre indépendance ».
Il a poursuivi en expliquant que l’ingérence de la Russie, passant par des attaques orchestrées par le Kremlin pour terroriser l’Ukraine, faisait partie du plan plus vaste de la Russie visant à démanteler l’Union européenne.
« La guerre de la Russie contre l’Ukraine fait partie du plan du Kremlin visant à détruire l’Union européenne et l’OTAN. Nos combattants dans l’est défendent la sécurité et la prospérité non seulement en Ukraine, mais également dans toute l’Europe. Nous n’allons donc pas vers l’Union européenne et l’OTAN les mains vides », a déclaré le président ukrainien. « L’Europe a également besoin de nous, car sans nous, l’UE ne deviendra pas un projet abouti. »
Porochenko et le Parlement ukrainien sont à présent passés de la parole aux actes, défiant ainsi l’ingérence continue de la Russie dans leur pays. Un projet de loi a été présenté au Parlement qui viendra modifier la constitution ukrainienne en termes de stratégie d’adhésion à l’UE et à l’OTAN.
L’approbation du projet de loi le 23 novembre a marqué un pas en avant dans la quête de l’identité européenne par l’Ukraine. Selon le média UAWire, il « solidifie le choix civique des citoyens du pays qui privilégient leur identité européenne ». En outre, la loi de sécurité nationale signée fin juillet a également confirmé le cap de l’intégration à l’UE.
Comment l’UE a-t-elle réagi face à l’escalade du conflit en Crimée ?
L’Union européenne a condamné les actions de la Russie mais a également exhorté l’Ukraine à ne pas aggraver les tensions. Le 29 novembre, à l’occasion du troisième forum économique annuel germano-ukrainien, la Chancelière allemande Angela Merkel a conseillé à l’Ukraine d’être « raisonnable » et d’utiliser le dialogue pour apaiser la situation actuelle.
L’Ukraine a appelé l’UE à appliquer en réponse davantage de sanctions contre la Russie. Un diplomate européen de haut rang aurait déclaré que « la question (des sanctions) est toujours sur la table. Elle figure parmi les options. Mais à l’heure actuelle, la priorité est d’encourager toutes les parties à calmer la situation, à essayer d’éteindre les feux ».
Lors d’un entretien avec Euronews, la vice-Première ministre ukrainienne pour l’Intégration Européenne et Euro-atlantique, Ivanna Klympush-Tsintsadze, a fait pression sur l’UE et l’OTAN pour qu’ils agissent.
« J’aimerais que les pays européens et de l’OTAN agissent plus promptement et soient prêts à réagir beaucoup plus rapidement. Néanmoins nous comprenons que cette décision dépend de plusieurs acteurs, et que cela prend du temps… Il ne s’agit pas seulement d’une menace pour l’Ukraine, mais pour la sécurité européenne. Et malheureusement, certains politiciens européens préfèrent fermer les yeux sur ce problème. »
L’UE reste hésitante face à l’escalade des tensions, du fait que la Russie est son quatrième partenaire commercial, et que l’UE est le plus grand investisseur de la Russie. Ces dernières années, les échanges commerciaux entre les deux pays ont considérablement chuté suite à la crise en Ukraine, affichant un déclin de 44% entre 2012 et 2016, soit de 339 milliards d’euros en 2012 à 191 milliards d’euros en 2016.
Indépendamment de ces relations UE-Russie, la Commission européenne a approuvé le 30 novembre le versement des premiers 500 millions d’euros (soit la moitié du milliard d’euros disponibles) du programme d’Assistance Macro-Financière (AMF) pour l’Ukraine, réaffirmant en outre l’engagement de l’UE quant à un cheminement vers l’adhésion de l’Ukraine. L’UE a désormais fourni une aide macro-financière de 3,3 milliards d’euros pour l’Ukraine, ce qui en fait le montant le plus important en aide financière à un État non-membre de l’UE.
Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission chargé de l’euro et du dialogue social, a réaffirmé les efforts de l’UE à l’égard de l’Ukraine dans un communiqué après la fin de la réunion.
“L’Union européenne a toujours apporté un soutien politique et financier à l’Ukraine. La décision prise aujourd’hui par la Commission européenne en matière de décaissement intervient à un moment crucial quand l’Ukraine et son peuple sont confrontés à une nouvelle agression de la part de la Russie et ont besoin de voir la solidarité de leurs partenaires internationaux. Un tel comportement agressif n’est pas acceptable dans l’Europe d’aujourd’hui."
L’avenir semble prometteur pour l’Ukraine à mesure que ce pays s’achemine progressivement vers l’adhésion à l’UE. Cependant, cela dépendra de la désescalade des tensions avec la Russie, dans un contexte de lutte entre l’Est et l’Ouest. Poutine et le Kremlin ne peuvent plus conserver les vestiges du pouvoir soviétique dans les anciens États communistes et, avec l’aide de l’Union européenne et de l’OTAN, l’Ukraine prévaudra.
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