Et si l’élection partielle de février était un avant-goût du 8 avril ?
Le 25 février dernier, la ville de Hodmezövasarhely (47 000 habitants) a montré que tout n’est pas encore joué dans les élections législatives à venir. Contre toute attente, c’est Péter Marki-Zay, candidat indépendant, qui a remporté cette élection partielle. Le candidat du Fidesz, Zoltan Hegedüs n’a pas réussi à convaincre les électeurs et a remporté 41,5% des voix alors que Marki-Zay en a remporté 57,5% des suffrages. Le candidat indépendant était soutenu par tous les partis de l’opposition dans cette élection qui devait être une formalité pour le parti de Viktor Orban. Ce sont ainsi à la fois les partis de la gauche, les libéraux, mais aussi l’extrême droite avec le Jobbik qui ont fait front commun face au Fidesz.
Cette tendance va-t-elle dépasser le territoire d’Hodmezövasarhely et nous surprendre le 8 avril prochain ? Après tout, s’il y a une chose à retenir des scrutins des deux dernières années, c’est qu’il faut s’attendre à tout et ne jamais considérer une élection comme jouée d’avance. Mais il ne faut pas non plus trop s’enflammer et espérer la défaite du Fidesz et donc de Viktor Orban… L’opposition a certes réussi à soutenir un même candidat en la personne de Péter Marki-Zay, et à se montrer unie, mais elle reste très hétéroclite et dispersée, de la gauche à l’extrême droite. Le Fidesz reste vraisemblablement le favori de ce scrutin, même si sa victoire pourrait être moins triomphante que ce qu’il espère.
Le Fidesz a rapidement réagi à cette défaite en organisant une démonstration de force lors de la fête nationale du 15 mars, jour de la commémoration de la révolution hongroise de 1848 contre la domination des Habsbourg. Cette fête nationale a été fortement marquée par ce climat tendu à quelques semaines des élections. Les partisans du Premier ministre et de son parti politique ont ainsi défilé dans les rues de Budapest équipés de banderoles pour transmettre un message on ne peut plus clair : « La Hongrie avant tout ». Le ton de cette manifestation est bien en accord avec la politique de Viktor Orban de ces dernières années. Les écarts europhobes du Premier ministre hongrois ne surprennent même plus, la radicalisation de son discours contre l’immigration est devenue presque banale, et sa rhétorique eurosceptique est bien connue de tous. Mais les partisans du Fidesz n’étaient pas les seuls à fouler le sol le 15 mars dernier. Trois autres manifestations d’opposants au gouvernement ont été organisées dans la capitale hongroise.
A prendre avec du recul, une récente enquête d’opinion réalisée par l’Institut Nezopont semble prévoir que le Fidesz recueillerait 52% des suffrages le 8 avril prochain. L’enquête crédite le parti nationaliste, Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik), de 17% des intentions de vote. Le Parti socialiste (MSZP) remporterait quant à lui 10% des suffrages et la Coalition démocratique (DK), le parti de l’ancien Premier ministre Ferenc Gyurcsany peinerait quant à lui à atteindre plus de 6% des suffrages…
Le discours classique anti-immigration, anti-Bruxelles
Un troisième mandat pour Viktor Orban se traduirait notamment par la poursuite d’une politique très restrictive sur l’immigration. Le Premier ministre hongrois s’était opposé au système de répartition des réfugiés par quotas entre les Etats membres de l’Union européenne. Il dénonce ouvertement ce qu’il considère être une « offensive de l’islam » et désigne les réfugiés comme des « envahisseurs musulmans ». Le pays a d’ailleurs adopté une loi en juillet 2016 sur les demandes d’asile et sur l’immigration clandestine qui banalise l’expulsion de clandestins qui seraient interceptés dans un périmètre de 8km derrière la frontière hongroise. Les forces de l’ordre peuvent ainsi expulser les réfugiés qui tentent de passer par la Hongrie pour rejoindre d’autres pays. C’est le genre de politiques et de positions que l’on peut attendre de la part du Premier ministre hongrois s’il est renouvelé à son poste, même si son parti n’a en réalité aucun programme à présenter aux électeurs.
Électeurs hongrois : opposez-vous au nom de la liberté
Même si Viktor Orban est maintenu à son poste le 8 avril prochain, il ne faut pas pour autant imaginer que les Hongrois sont ignorants et insensibles à la politique de leur Premier ministre. En 2017, les Hongrois, et notamment la jeunesse, n’ont pas hésité à manifester leur opposition au gouvernement et à ses attaques contre les ONG et les universités. Parmi elles, l’Université d’Europe Centrale, établissement universitaire anglophone de second cycle, qui a fait l’objet de plusieurs lois visant à restreindre ses activités et son rayonnement international. Le 4 avril 2017, le Parlement hongrois adoptait une loi qui impliquait l’interdiction des activités de l’Université sous son nom actuel, l’impossibilité de délivrer des diplômes américains à ses étudiants, etc. La JEF Europe a vigoureusement dénoncé ces attaques, et soutenu cette Université qui a été conçue comme « un bastion de la pensée libérale, un laboratoire de la démocratie. », ainsi que ses étudiants. [1] Derrière cette université, et derrière plusieurs ONG qui ont également fait la cible d’attaques par Viktor Orban, se trouve George Soros.
Le Premier ministre hongrois fait de George Soros le responsable de tout ce qu’il dénonce, de l’immigration à la mobilisation d’ONG en Hongrie. George Soros est un milliardaire américain d’origine hongroise, actuel président de l’Open Society Foundation. Il soutient ainsi de nombreuses ONG actives en Hongrie. Viktor Orban voit en lui son véritable rival bien qu’il ne soit pas candidat en Hongrie. En 2013, le parlement hongrois a examiné un texte de loi intitulé « Stop Soros » qui visait à un contrôle accru des activités des ONG du secteur humanitaire pour éviter toute action qui favoriserait, faciliterait et soutiendrait l’immigration en Hongrie. L’obsession de Viktor Orban pour George Soros est telle qu’il aime à se targuer que le réel enjeu de l’élection se joue entre eux deux, et ce même si le dernier n’est pas candidat.
A défaut de pouvoir compter sur une opposition forte et unie, les opposants au gouvernement actuel pourraient également se résigner à l’abstention, le 8 avril prochain. Le piédestal depuis lequel Viktor Orban menace ONG, médias, universités, réfugiés, opposants et leaders européens, pourrait se fissurer à l’issue du prochain scrutin, et un troisième mandat pourrait s’avérer bien plus périlleux que les deux derniers.
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