Le Taurillon : Fédéraliste convaincu, vous associez l’accroissement de souveraineté avec plus d’Europe. Cela passe par une refonte des institutions. Quelle réforme de la gouvernance proposez-vous ?
Pierre BERNARD REYMOND : A l’ère de la mondialisation, si nous voulons avoir encore une influence demain dans le monde, nous devons absolument bâtir une puissance intégrée et c’est en étant davantage Européens que nous pourrons rester souverains. Aucun Etat d’Europe ne pourra s’en sortir seul. Il faut donc franchir une nouvelle étape : celle de l’Europe politique. L’Europe a besoin, tant vis-à-vis de ses concitoyens que du reste du monde, d’une voix, d’un visage, d’un patron, bref d’un Président. Je suggère, dans un premier temps, qu’il soit élu par tous les parlementaires d’Europe, nationaux et européens, avant de l’être plus tard au suffrage universel. Je pense également que dans un premier temps, il faut conserver la distinction entre le Conseil et la Commission et faire élire le Président de celle-ci par le Parlement européen. Nous avons également besoin d’un SENAT qui aurait pour rôle essentiel de ratifier les traités ; nous ne pouvons pas continuer à devoir attendre la ratification par les quarante assemblées parlementaires d’Europe avant qu’un texte entre en application. J’estime aussi qu’il faut supprimer la règle de l’unanimité.
Le Taurillon : Au vu des difficultés actuelles qu’affrontent les coordinations des finances des États de l’Union, la création d’un ministre européen de l’économie et des finances vous semble-t-il opportun ? Quel serait son rôle ?
Pierre BERNARD-REYMOND : Oui, j’y suis tout à fait favorable. La Commission reflète trop la conception intergouvernementale du pouvoir. Il faut la hiérarchiser comme dans un Gouvernement et confier des responsabilités importantes pour chaque secteur à une seule femme ou un seul homme, sous l’autorité du Président élu de la Commission.
Le Taurillon : Le budget européen, actuellement à l’étude est dans une phase paradoxale. Les États réduisent leurs dépenses et leur participation au budget tandis que le Parlement européen souhaite l’augmenter. Quelle peut-être la solution à ce conflit, à l’exception d’un énième compromis ?
Pierre BERNARD-REYMOND : Vous avez parfaitement raison. Au niveau national, beaucoup d’Etats doivent faire face à un endettement très important. Pour eux, la réduction de la dette est un impératif majeur. Il n’en est pas de même au niveau européen ; l’Europe qui n’emprunte pas n’est pas endettée, c’est donc à ce niveau qu’il faut pratiquer une politique de relance et de croissance. Pour cela, il faudrait doubler le budget européen qui ne représente que 1 % du RNB Européen d’ici 2020. Ceci ne pourra se faire que si l’on en revient à une alimentation des recettes par des ressources propres, comme cela existait auparavant, c’est-à-dire des taxes perçues directement au niveau européen et non par des cotisations des Etats. Je préconise qu’en 2020 les « ressources propres » représentent 60 % du budget.
Le Taurillon : Vous demandez un "appel d’offre fédéral", qui permettrait aux pays qui le souhaitent de se fédérer sans attendre l’accord d’autres récalcitrants comme le Royaume-Uni. Mais n’est-ce pas acter l’existence d’une Europe à plusieurs vitesses ? A quoi ressemblerait ce premier cercle fédéraliste ?
Pierre BERNARD-REYMOND : Il est utopique de penser que les 27 Etats sont murs pour une Europe fédérale. Il y en a qui ne le seront peut-être jamais. C’est la raison pour laquelle je me prononce en faveur de l’Europe des cercles concentriques. Le cercle franco-allemand, moteur de l’Europe ; nous devons aller aussi loin que possible dans notre rapprochement avec l’Allemagne. Le cercle de l’Europe-puissance, une communauté de nations à visée fédérale, le cercle de l’intégration. Il faut espérer que toutes les nations membres de l’Euro-groupe adhéreraient à ce cercle. Enfin, le grand cercle de l’Europe-espace, de l’Europe intergouvernementale, de ceux qui veulent garder plus de liberté et davantage d’options. Bien entendu, tout Etat membre du troisième cercle pourrait à tout moment postuler pour le second, dès lors qu’il se serait converti à l’idée d’une Europe fédérale. Enfin, sachant que la fédération européenne ne ressemblera à aucune autre, elle sera le fruit de nos cultures propres et d’un cheminement spécifique et progressif de traités en traités.
1. Le 29 décembre 2012 à 16:54, par jim En réponse à : Pour P. Bernard-Reymond : « les ressources propres doivent représenter 60% du budget européen en 2020 »
y a t il une différence entre fédéraliste et européiste ?
2. Le 29 décembre 2012 à 16:58, par JEAN-MI En réponse à : Pour P. Bernard-Reymond : « les ressources propres doivent représenter 60% du budget européen en 2020 »
Gouvernance gouvernance, institutions, à quand la Constitution ?
3. Le 30 décembre 2012 à 16:04, par Fabien Cazenave En réponse à : Pour P. Bernard-Reymond : « les ressources propres doivent représenter 60% du budget européen en 2020 »
Oui, un Européiste est quelqu’un qui défend la construction européenne quelle qu’en soit le prix même si elle avance très lentement.
Un fédéraliste est quelqu’un qui a un rapport qui va au-delà de l’Europe et souhaite un rapport entre citoyens et le pouvoir (local, régional, national, européen, mondial) fondé sur le droit notamment.
Au final, on peut être européiste et fédéraliste mais c’est comme de dire qu’on est nationaliste et centralisateur, ce ne sont pas les mêmes notions. L’une est marquée par une notion de mépris de celui affublé de ce qualificatif, l’autre est un choix politique (qu’on peut désapprouver, mais la politique c’est comme les goûts et les couleurs...).
4. Le 30 décembre 2012 à 16:52, par jim En réponse à : Pour P. Bernard-Reymond : « les ressources propres doivent représenter 60% du budget européen en 2020 »
C’est un peu comme la République
5. Le 30 décembre 2012 à 17:03, par jim En réponse à : Pour P. Bernard-Reymond : « les ressources propres doivent représenter 60% du budget européen en 2020 »
Le fédéralisme au niveau européen c’est aussi peut-être la question du degré de compétence accordé à Bruxelles ?
6. Le 30 décembre 2012 à 17:19, par jim En réponse à : Pour P. Bernard-Reymond : « les ressources propres doivent représenter 60% du budget européen en 2020 »
Ou alors, comme en France, on a des élus de territoire qui construisent par exemple des infrastructures de transports qui, si elles avaient été prises par un échelon supérieur aurait pu avoir plus d’efficacité.
La grande question de la subsidiarité.
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